Le poker est un jeu à plusieurs facettes. Vous êtes un stratège, mais aussi un investisseur, et un athlète. Peut-être même d’autres choses. Pour être bon, vous devez faire plus qu’être bon aux cartes.
Vous avez même pas mal de boulot en réalité, car le poker est une jungle impitoyable qui sélectionnera les individus assez forts pour lui survivre : il faut développer un mental fort, une discipline sévère, et une présence calme, une capacité à résister à la pression. Ce sont des dimensions du poker à ne pas prendre à la légère.

De fait, je pense que si vous ne développez pas ça, vos compétences techniques ne seront sûrement pas suffisantes pour vous permettre de survivre. Mon approche ici sera de vous donner des conseils, basés sur mon expérience, afin d’optimiser votre grind et vos résultats.
Devenir un investisseur sur sa performance

Le premier point crucial que j’aimerais aborder est celui du choix : en tant qu’investisseurs, vous avez toujours le choix, et vos choix sont multiples.
Par exemple, quels tournois jouer ? C’est à vous de sélectionner vos tournois, les heures où vous voulez / préférez jouer, mais aussi le nombre et le type de tables. Je suis bien conscient que beaucoup de grinders se contentent de lancer ce qui passe sur la grille sans plus de réflexion.
Je vous conseille ici de faire l’inverse, et de réfléchir autant que possible sur comment optimiser vos décisions d’investissement.
Une de mes forces est d’être capable de sévèrement réduire mon volume lorsque ma motivation ou ma confiance diminuent.
Je réduis aussi mon ‘exposition’, c’est-à-dire que je vais avoir tendance à grinder des limites plus basses et moins stressantes quand je ne me sens pas au top. Au contraire, quand les choses vont bien mentalement, je vais jouer plus, prendre plus de risques. J’investis donc aussi selon l’état de mon mental game, et je vais être plutôt calme et conservateur quand je doute, mais agressif et audacieux quand j’ai confiance.
Autre problématique sur le même thème : faut-il privilégier le volume, ou la présence à la table ?
Il n’y a aucun doute que le volume est nécessaire, et dans l’absolu plus votre volume est important plus vous gagnez, à supposer une EV constante. Mon conseil ici est de privilégier la qualité, car l’EV de nos plays n’est pas constante : il y a des moments où la fatigue, le stress, la lassitude ou l’ennui, peuvent nous faire déjouer. C’est beau de jouer autant que possible, tellement de grinders MTT jouent tous les jours une tonne. Mon opinion est que cela se fait au détriment de la qualité de leur jeu, et leur EV aussi.
Etre bon au poker implique en grande partie d’être capable de bien lire les situations. Cela est en grande partie optimisé par l’expérience et le travail hors des tables : vous devez absolument améliorer votre capacité à préciser les ranges adverses afin de maximiser vos value bets et vos bluffs. Pensez-vous activement améliorer vos capacités de hand reading si vous grindez 16 tables ? Non. Dans un sens, vous stagnez, vous jouez votre jeu tel qu’il est à ce moment là, mais vous n’augmentez pas tellement vos capacités.
Mon conseil est de régulièrement jouer moins de tables dans l’idée de se concentrer au maximum, dans une optique qualitative. En jouant moins de tables, vous avez plus de temps pour bien mettre vos adversaires sur une range (et réduire / préciser cette range au fur et à mesure des streets), selon leurs tendances et leurs stats ; vous avez aussi plus de temps pour mettre en lien tous les facteurs pertinents dans une main de poker (stacks, moment du tournoi, état psychologique probable de notre adversaire, etc).
Mon conseil est aussi de ne pas jouer beaucoup, mais plutôt d’étudier beaucoup en priorité. Dans le temps qu’ils consacrent au poker, beaucoup de gens jouent 90% du temps au moins, et étudient 10%. Essayez de faire 50/50. Oui, votre volume en pâtira, mais ça ne veut pas forcément dire que vous perdez du temps.
A mon humble avis, c’est plutôt en envoyant du volume sans progresser qu’on perd du temps. Faites les deux : faites votre volume, mais n’oubliez pas de progresser.
Prenez le temps de parler poker avec d’autres gens, autant de gens que possible à vrai dire. Prenez le temps de réfléchir à certaines mains à froid. Demandez l’avis d’autres personnes. Si vous n’avez personne avec qui parler poker régulièrement, et bien cherchez. Regardez des vidéos qui vous aident à améliorer votre jeu (regardez donc autant que possible des joueurs que vous trouvez bons, et évitez de passer ce temps à juste regarder du poker en mode détente : non au contraire plus vous serez actifs, prêt à questionner et prendre des notes, plus vite vous progresserez).
Sur l’aspect sélection des tournois, vos choix sont vastes. Vous avez le choix de vous spécialiser sur un site (certains le font) : ça a par exemple l’avantage de bien connaître les structures de votre grille de tournoi, mais aussi de connaître le pool de joueurs, d’avoir des reads solides sur les regulars. Vous pouvez aussi jouer plusieurs sites pour multiplier votre choix de tournois possibles, mais vous perdez l’avantage de la spécialisation. Chaque choix a ses mérites.
De même, il y a beaucoup de tournois différents, que ce soit le type de tournoi (KO vs freezout par exemple), structure, taille du field et composition du field (certains tournois sont remplis de regulars, et d’autres non : ne prenez pas ça à la légère). Je pense qu’il est tout à fait justifiable ici encore de se spécialiser dans certains tournois : par exemple si vous vous spécialisez dans les tournois KO, votre EV globale pourrait bien augmenter. Dans le même temps, la diversification a aussi du bon, il y a du mérite à pouvoir jouer plusieurs formats profitablement. Il y a en tout cas un choix d’investissement permanent, c’est à vous de bien identifier vos forces et faiblesses afin d’optimiser vos choix d’investissement.

Si vous jouez 16 tables en simultané, et que vous jouez en simultané des KO et des freezout, des turbos et des structures slow, des 6 max et des full rings, vous n’êtes pas spécialisés du tout. Je ne dis pas que c’est ‘mal’, mais ça vaut le coup d’y penser : peut-être que votre session serait maximisée si vous ne faisiez que des tournois du même type. C’est à vous de voir, et c’est une question de degré. Soyez seulement conscients que pas mal de tournois seront optimisés si vous y prêtez attention, et c’est d’autant plus vrai que le tournoi crée des situations complexes ou marginales : ainsi les tournois KO et les tournois 6 max demandent plus d’attention qu’un tournoi full ring freezout.
Réfléchissez à cela par vous-mêmes, et vous trouverez vos propres réponses.
Investir sur sa performance, c’est aussi une gestion stratégique et énergétique de nous-mêmes. Le grind de tournois est un marathon tant sur une session que sur une carrière : vous vous devez de vous gérer correctement. Les décisions sont particulièrement importantes en late game, or c’est aussi là que vous avez le plus de chance d’être fatigué, tilté, ou juste impatient de faire autre chose (autant de raisons de ‘jeter’ ses tournois) : c’est donc aussi votre boulot de faire au mieux avec vous-mêmes pour prendre des bonnes décisions à tous les moments du tournoi.
Evidemment je pourrais parler beaucoup sur l’importance de travailler sa résilience mentale et physique : améliorer votre condition physique, manger correctement, améliorer votre focus. Il y a beaucoup de méthodes pour mieux se connaître et devenir plus fort intérieurement et extérieurement. C’est une partie non-négligeable de votre travail. C’est un sport (mental, mais donc physique aussi, indirectement).

Il est primordial de garder ce que j’appelle une vision claire. Vos décisions doivent être optimisés ; or votre corps et votre esprit vont parfois vous mettre des bâtons dans les roues. Je ne compte plus le nombre de mauvaises décisions prises à cause de la fatigue, par exemple. Evidemment, les erreurs sont inévitables, mais il s’agit de bien les voir, honnêtement, sereinement, sans directement blâmer la variance ou notre destin, et ensuite de s’atteler à les corriger. Si chaque jour vous enlevez un déchet de votre jeu, chaque jour vous devenez meilleur.
Apprenez donc à vous connaître, sans jugement, de façon à corriger vos leaks et égarements. Le poker récompense ceux qui se connaissent. Si par exemple vous remarquez que vous prenez souvent des décisions médiocres au bout de 3-4h de grind, c’est peut-être parce qu’à ce moment là vos émotions ont petit à petit pris trop de place dans votre Esprit, ou simplement que votre Corps est fatigué et perd en efficience : vous avez ainsi la connaissance d’une limite dans votre jeu, d’un danger, lié simplement au fait que vous êtes humain et pas robot, et donc vous pouvez travailler à optimiser ça. Prenez 2 minutes tout de suite pour réfléchir à cet exemple ou à un exemple qui vous parle personnellement, et marquez 3 axes d’attaque pour optimiser la situation.
Je vous invite à poster cela en commentaire !
Investir sur sa performance, c’est prendre tous les aspects du jeu au sérieux.
C’est chaque jour corriger ce qu’on peut corriger, et être responsable de notre performance et de nos résultats : vous pourrez blâmer autant que vous voulez la variance ou tel coup décisif perdu sur une grosse TF, tout le monde s’en fout au final. Et vous devriez donc vous en foutre aussi, et vous concentrer sur ce que vous pouvez optimiser ! Tout le monde le sait, tout le monde accepte cela en théorie. En pratique ceci dit, c’est beaucoup plus subtil et complexe qu’il n’y paraît, et vous aurez à travailler sur pas mal de choses : ne perdez pas espoir, c’est aussi ce qui rend ce jeu fascinant : le poker est une opportunité de dépassement de soi. Il nous oblige en permanence à nous sortir de notre zone de confort. Il nous met en danger.
Ceux qui survivent sont ceux qui parviennent à gérer le stress d’un job si exigeant et si ingrat dans les émotions qu’il nous fait ressentir. Travaillez donc à gérer la pression, à vous connaître aussi bien que possible dans votre corps et votre esprit, et vous partez avec un bon pas d’avance vis-à-vis de la compétition.
Bonne chance aux tables.